Image : Machini, Frank Mukunday & Tétshim, 2022.
Alicia Lambert défendra sa thèse publiquement le jeudi 7 novembre 2024 à 16h à l’UCLouvain (Salle Oleffe ou visio-conférence). Le jury est composé de Véronique Bragard (UCLouvain, promotrice), Sabrina Parent (ULB, co-promotrice), Maaheen Ahmed (UGent), Aymar Nyenyezi Bisoka (UMons) et Jacinthe Mazzocchetti (UCLouvain, présidente).
Sa thèse s’intitule : « Cases en tensions, mémoires en dialogues : (Re)dessiner et décoloniser l’imaginaire colonial belge dans la bande dessinée (2010-2023) ».
Résumé
La bande dessinée, cet « art de tensions » (comme la définit Charles Hatfield), fait preuve de nombreuses potentialités pour dénoncer et déstabiliser les représentations héritées de la colonisation. En croisant les comics studies avec les pensées décoloniales, cette thèse de doctorat étudie comment un corpus de bandes dessinées récentes (2010-2023) recourt à une variété de pratiques narratives, artistiques et discursives qui déconstruisent les imaginaires transmis par la propagande coloniale belge. L’étude souligne ainsi les possibilités subversives et critiques d’un médium complexe, qui a pourtant participé à véhiculer des représentations caricaturales et déshumanisantes – et y participe encore, dans le cas de nombreuses œuvres grand public et commerciales.
Trois gestes sont mis en exergue : redessiner (redrawing) une tradition bédéique eurocentrée ; s’appuyer sur (drawing on) l’imagerie coloniale ; ou s’éloigner (drawing away) de telles représentations, dans une réflexion tournée vers le présent et l’avenir. Le lien entre esthétique et politique est établi par l’analyse du tressage, de la monstration, des tensions texte-image, de la couleur, de la ligne et de la matière. Émergent alors plusieurs façons de dévoiler et de défier les violences du colonialisme : qu’il s’agisse de l’exploitation et de l’exclusion des corps noirs (Achille Mbembe), de l’invisibilisation des collectivités et des luttes congolaises, ou d’un extractivisme destructeur qui se perpétue. Cette recherche doctorale démontre ainsi les possibilités de dialogue et de débat qu’offrent des bandes dessinées pourtant souvent encore aux marges de l’espace médiatique et académique.
Abstract
Comics, this “art of tensions” (as defined by Charles Hatfield), demonstrate multiple potentialities to denounce and destabilize representations inherited from colonization. By intertwining comics studies and decolonial theory, this PhD thesis examines how recent comics (2010-2023) rely on various narrative, artistic and discursive strategies to deconstruct the imaginaries transmitted by Belgian colonial propaganda. By doing so, this research underscores the many subversive and critical possibilities of a complex medium – which has nonetheless participated in reinforcing caricatural and dehumanizing representations, especially in mainstream commercial comics to this day.
Three gestures are highlighted: redrawing a Eurocentric comics tradition, drawing on colonial imagery, or drawing away from such representations to (re)think the present and the future. The link between aesthetics and politics is established through the analysis of comics techniques such as tressage, monstration, text-image tensions, color, line and materiality. Several ways of unveiling and challenging colonial violence emerge within the corpus: from the exploitation and exclusion of Black bodies (Achille Mbembe) to the omission of Congolese struggles and collectivities and the persistence of destructive extractivism. This research reveals, thereby, the opportunities for dialogue and debate offered by comics, most of which remain under-studied or marginalized.
Contact : alicia.lambert@uclouvain.be