Tous les articles par Tanguy Habrand

Intervention de Frédéric Paques

« Jeux d’Ayroles : Systèmes, contraintes et explorations dans le travail de François Ayroles » (Université de Liège, 24 novembre 2009)

Au sein de l’Association, François Ayroles creuse son sillon de manière quasi obsessionnelle : celui d’une bande dessinée sous contrainte, épurée de tout élément hétérogène au « code » (Nous pensons ici particulièrement aux Parleurs, Penseurs et Lecteurs, voire aux Amis). Il établit ou emprunte une série de systèmes et met au point des modes d’utilisation inédits : à tel point que la structure de son travail semble en être la première justification. Son Oeuvre transpire une réflexion théorique, qui n’est pas sans rappeler certains des thèmes présents dans les ouvrages de Thierry Groensteen, grand théoricien du médium. Et pour cause : entre 1989 et 1992, François Ayroles suit les cours de l’atelier de bande dessinée de l’école des Beaux-Arts d’Angoulême, où il suit les cours de Groensteen. Le théoricien participe aussi durant cette même période à la création de l’OuBaPo (Ouvroir de Bande dessinée potentielle). Ayroles y est convié dès ses débuts et en devient l’une des chevilles ouvrières.

Même lorsqu’il ne travaille pas au sein de ce groupe d’expérimentation créative, il s’impose des contraintes qui jouent sur le rapport du texte à l’image, du son au silence. Cette dichotomie va former la base de la grande majorité de ses histoires, aussi bien dans la forme que dans le contenu. Pourtant, le tour de force d’Ayroles est de réussir à produire autre chose que des mécaniques bien huilées, dont la finalité serait purement théorique et donc relativement vaine. Les systèmes de narration ou les contraintes sont féconds en ce qu’ils donnent à ses bandes dessinées un ton très personnel. Ce que l’expérimentation apporte, chez Ayroles, c’est exactement ce que relève Groensteen lorsqu’il analyse l’apport de la bande dessinée de l’OuBaPo : « susciter sur le médium un regard plus averti, […] inviter à une lecture plus vigilante, plus investigatrice et plus réflexive. » (cf. Thierry Groensteen, « Ce que l’Oubapo révèle de la bande dessinée », dans 9e art, n° 10, p. 73).

Intervention de Tanguy Habrand

“L’Association dans les champs de l’édition, de la bande dessinée et de l’indépendance. Émergence et trajectoire” (Université de Liège, 26 février 2009)

En deux décennies, le succès de L’Association a contribué à consolider la reconnaissance de la bande dessinée, tant auprès d’un public déjà convaincu que dans son extension à un nouveau lectorat. Pour la première fois dans l’histoire du médium, une structure éditoriale allait en effet, dans la durée, faire de son catalogue un espace d’expérimentation et de réflexion sur les possibilités de la bande dessinée au point de devenir le symbole, largement suivi, d’une génération.

La réussite de l’entreprise ne doit pas, pour autant, conduire à un discours essentialiste qui la détacherait de tout contexte. Situer l’émergence de L’Association dans le champ éditorial global qui a vu, dans les années 1990, le développement des éditeurs dits « indépendants » (dans les secteurs de l’essai ou de la littérature), offre un premier élément de compréhension. Plus spécifiquement, une analyse de l’apparition et de la trajectoire de L’Association d’un point de vue socio-économique à l’échelle, cette fois, du champ de la bande dessinée, permet de mieux identifier l’originalité du projet et ses tensions. Prise entre la volonté de poursuivre le travail de Futuropolis et celui de faire du passé table rase, entre un développement économique et la revendication d’une absence de but lucratif, entre le fait de réveiller la bande dessinée et d’être le réveil de la bande dessinée, L’Association consiste en un projet complexe dont la seule étiquette d’avant-garde, réclamée par l’un de ses fondateurs, Jean-Christophe Menu, peine à rendre compte.

Au terme d’un retour aux sources (catalogues, documents destinés aux adhérents, articles et entretiens dans la presse) et aux choix éditoriaux de L’Association, se dessine une histoire non linéaire qui illustre les étapes d’un projet certes révolutionnaire, mais irréductible à son discours d’escorte.

Intervention de Gert Meesters

“L’avant-garde classique, mais pas douce. La poétique de l’innovation dans les bandes dessinées publiées par L’Association” (Université de Liège, 12 novembre 2008)

À travers les prises de position de Jean-Christophe Menu (Plates-bandes, 2005) entre autres, L’Association a toujours revendiqué l’étiquette d’avant-garde. Comment se définit cette avant-garde ? Elle apparaît en tout cas moins brutale que ce que les réactions au discours de l’Association dans le monde de la bande dessinée francophone pourraient laisser penser. Bons connaisseurs de la bande dessinée classique, les fondateurs de L’Association annonçaient prendre leurs distances avec celle-ci au sein de leur propre maison d’édition. Comment cette position intermédiaire entre classicisme et révolution s’incarne-t-elle dans la production de la maison ? À la lumière du style graphique et de la narration visuelle, telle est la question qui se trouve ici posée.